Jusqu'à ce jour, c'est un sujet que je ne voulais pas trop évoquer. C'est un conflit qui est resté profondément marqué dans les esprits de ceux qui y ont participé ou qui ont vécu des moments tragiques . Je pense quand même que le moment est venu de nous remémorer ce qui s'est passé maintenant que nous sommes devenus des anciens combattants et que la mémoire -âge oblige- nous fait un peu défaut. Bien que la guerre d'Algérie ait réellement débuté en 1945 mon propos se limitera à relater la chronologie des événements de 1954 à 1962. Alors que s'est-il passé ?
Le 1er novembre 1954 à sept heure du matin, un vieux car Citroën enchaîne laborieusement les lacets du col de Tighanimine sur la route nationale 31qui relie Biskra à Arris. A la borne kilométrique 80, le conducteur, Djemal Hachemi, sait que l'embuscade sera dans 1 km.
Ils sont maintenant tous les trois sur la route, juste devant le car. «Tu as reçu notre proclamation dit Si Messaoud au caïd, de quel côté te ranges-tu maintenant? - Vous ne croyez tout de même pas que je vais discuter avec des bandits» lance le Hadj Sadok en relevant fièrement son burnous sur les épaules. «Votre proclamation je l'ai jetée» ajoute-t-il avec un rire méprisant. Tout va alors aller très vite. Le caïd sort précipitamment de son baudrier le pistolet qu'il y cache toujours. De son rocher, Sbaïhine ne l'a pas quitté des yeux. Il voit le geste et tire. Hadj Sadok s'agenouille.Le début de l'unique rafale l'a atteint au ventre, Guy Monnerot a pris la suite dans la poitrine et sa femme dans la hanche gauche. Elle tombe à son tour, une tache de sang s'élargit sur sa jupe noire et son corsage à pois. Son mari s'effondre sur la route en gémissant.
«Mettez le caïd dans le car, ordonne si Messaoud, c'est tout de même un musulman et toi désignant le conducteur du bout de son mauser, ramène vite ton car à Arris.» A l'arrivée du car à Arris s'est le branle bas de combat. Un ethnologue Jean Servier se porte volontaire pour récupérer les Monnerot. «Vous arrivez trop tard sanglote madame Monnerot, trop tard.» Le jeune instituteur est mort à l'issue d'un martyr de cinq heures, sans perdre ses lunettes, son costume bleu maculé de sang et de poussière.
Une longue guerre vient de commencer
Le troisième rapport est militaire; il estime le nombre d'insurgés dans les Aurès à cinq ou six cents plus donc que ne l'estime Ben Boulaïd. En fait toute évaluation reste impossible à faire; La Kabylie compterait deux cents rebelles. A la frontière tunisienne quelques bandes ont été signalées mais ne paraissent pas organisées. Du côté marocain tout est calme.
Plusieurs fois, Soustelle a tenté de prouver au gouvernement qu'à situation exceptionnelle il faut des moyens exceptionnels. Finalement il obtient, le 3 avril, que soit décrété l'état d'urgence ce qui donne au gouverneur général et aux trois préfets des moyens mieux adaptés pour faire face à la situation.
Sur le terrain on crée les GMPR – Groupes Mobiles de Police Rurale- unités légères commandées par des officiers français des affaires indigènes mais essentiellement composées de musulmans. Trente sept GMPR sont constitués en quelques semaines avant de céder la place, en septembre, aux sections administratives spécialisées, les SAS. Ces dernières sont des éléments essentiels de la pacification -sans combat- voulue par la France.
Pas de quartier d'un côté comme de l'autre. A 15 km le centre minier d'El Milia est attaqué: femmes éventrées, enfants égorgés. Des victimes européennes aussi à Jemmapes, à Catinat, à Constantine même.Le bilan des massacres du côté européen est- de soixante et onze morts auxquels il faut ajouter une centaine de musulmans francophiles. Côté assaillant officiellement 2000 morts (six fois plus selon le FLN). C'est Zighout Youssef, nouveau chef du nord constantinois qui a lancé cette nouvelle djihad pour prouver à la France que c'est vraiment la guerre et aux Algériens que la seule voie est le ralliement au FLN. Les conséquences sont graves. Dans les régiments à prédominance musulmane on compte un certain nombre de désertions. Les rebelles s'enhardissent et les attentats se multiplient dans l'Algérois, en Kabylie et en Oranie. Leur nombre passe de 200 en avril à plus de 1000 en fin d'année.Dans l'armée la consigne est souvent «pas de quartier» . La rébellion à atteint son but par son action politique, paramilitaire et psychologique, elle a créé la scission entre Européens et musulmans.
En France, dans une atmosphère délétère, le parlement est dissout le 2 décembre et les élections législatives sont fixées au 2 janvier 1956. En Algérie le contrat de Jacques Soustelle arrive à terme le 31 janvier. Il sera remplacé par le Général Catroux, Grand Chancelier de la Légion d'Honneur avec le titre de Ministre résident en Algérie.Cette nomination soulève des vagues de profond mécontentement et au départ de Soustelle une foule immense l'accompagne pour l'empêcher de partir. La foule scande AL-GE-RIE FRANCAISE slogan qui sera désormais son crie de ralliement. Le nouveau président du Conseil, Guy Mollet se rend à Alger où il est hué et reçoit même des tomates lors de la cérémonie du dépôt de gerbe. Le général Catroux, (sans avoir mis les pieds en Algérie) démissionne . Son successeur désigné est Robert Lacoste qui fera une arrivée discrète à Alger le 10 février.
Sur le terrain la poignée de bandits du 1er novembre est devenue une armée de six mille hommes qui s'est structurée, qui reçoit des armes et dont les différentes unités peuvent maintenant communiquer entre elles d'un bout à l'autre du territoire. L'armée française en dépit d'une augmentation régulière de ses effectifs passés en un an de 80 000 à 190 000 hommes est loin de contrôler le pays et Robert Lacoste exige de Paris qu'on lui envoi 200 000 hommes en renfort. Il est entendu . Au 1er juin les effectifs seront portés à 370 000 hommes (on rappelle le contingent 53 puis celui de 52 et on prolonge le service du contingent 54)
Le Maroc devient indépendant le 9 mars et la Tunisie le 20. Ces pays deviennent de véritables bases arrières du FLN.
Alors que des pourparlers s'engagent entre les émissaires de Guy Mollet et les représentants du FLN au Caire. Le FLN tient son congrès en Kabylie . A cette occasion se situe une anecdote amusante: les rebelles qui se rendaient au congrès sont accrochés, le mulet qui transportait les documents a disparu. La bête volée un mois plus tôt à un régiment de goumiers regagne sa caserne d'origine et livre ainsi tout un nombre important d'informations.
Le 19 juin Lacoste fait exécuter deux membres du FLN,condamnés à mort mais détenus depuis longtemps. Cette décision va porter la violence à son paroxysme.
Le 10 août une violente explosion provoque l'effondrement de quatre immeubles. On retire les cadavres de 70 personnes dont une majorité de femmes et d'enfants œuvre d'un commissaire de police appartenant à une des nombreuses organisations contre terroristes. A son tour le FLN utilise des bombes artisanales dont les premières sont déposées par des jeunes filles dans deux bars. L'insécurité règne dans la ville
On assiste ensuite à une série d'événements :
- L'Athos un bateau de plaisance chargé d'armement est arraisonné au large de Mers el Kébir .Il venait du Caire. |
- Le 20 octobre les chefs historiques , Ben Bella, Aït Ahmed, Kihidder et Mohamed Boudiaf sont reçus par le Sultan du Maroc. Le lendemain le DC3 du Royal Air Maroc est intercepté et doit atterrir à Alger. C'est aussitôt l'incident diplomatique avec le Maroc et Mohamed V téléphone au Président Coty pour lui signifier que les relations franco-marocaines sont rompues.
Un nouveau commandant en chef, le Général Raoul Salan dit le «Mandarin» est nommé à la place du Général Lorillot. |
A Alger c'est l'engrenage de la violence: attentats-répression-attentats d'autres bombes sont posées, entre autre, par des militants communistes alliés du FLN. Les paras de Massu vont prendre possession de la casbah le 8 janvier la loi martiale est proclamée. C'est le début de la bataille d'Alger. La chasse à l'homme est organisée pour trouver et arrêter les meneurs Ben M'Hidi, Yasef Saadi, Ali la Pointe. Durant cette période la torture s'impose et devient malheureusement nécessaire pour obtenir les renseignements vitaux pour sauver des vies humaines et tenter d'éradiquer le terrorisme. Le 9 octobre, Ali la Pointe se fera exploser dans l'immeuble où on retirera les corps de 21 personnes. |
Cette fois la bataille d'Alger est bien terminée. |
Fin septembre 1957, un obstacle de taille va compliquer la tâche des fellaghas : le réseau de barbelés électrifiés connu sous le nom de la ligne Morice, qui va opposer un barrage quasiment infranchissable, du moins dans les débuts, aux infiltrations venues de l'extérieur. Construit en trois mois et demi par six bataillons du génie cet ouvrage s'étire de part et d'autre des frontières sur près de 300 km. Dans l'Est Constantinois, commandé par le Général Vanuxem, le dispositif est renforcé par cinq régiments parachutistes. Les renseignements obtenus grâce au réseau électrifié permettent la mise au point de bouclages sur les axes de déplacement de l'ALN. On trouve ainsi au nord le 1er REP basé à Guelma, le 9°RCP à Souk Ahras chargés l'un et l'autre des monts de la Medjerda sur la route qui mène en Kabylie. Au sud le 8°REP dans les monts de Tebessa et le 3°RCP en bordure des Nementchas barrent la route des Aurès et de l'Algérois.
Fin décembre 1957 une centaine de passages ont été tentés. A noter que les passages s'effectuent dans les deux sens (recrues vers la Tunisie – combattants vers l'Algérie) On répertorie une trentaine d'échecs mais deux mille hommes armés venant de Tunisie ont pénétré en Algérie. Les rebelles ont toutefois perdu 400 hommes sur le barrage.
Endommagé, l'avion se pose en catastrophe à Tebessa. Ce même jour 11 bombardiers moyens B-26 Invader , 6 chasseurs bombardiers Corsair, et 8 Mistral bombardent Sakiet. Le bilan est lourd 70 morts, et une centaine de blessés. Cet accrochage à la frontière internationalise le conflit.
Une manifestation, bien qu’interdite, réunit 15 000 personnes et l'armée n'est pas intervenue pour disperser le cortège. Robert Lacoste en tire la conclusion qu'il ne peu plus compter sur elle.Combien de temps le pays tiendra-t-il sans politique et sans gouvernement? Le 10 mai Lacoste fait ses bagages. Il n'y a plus d'autorité civile à Alger. Ce même jour, à Tunis le porte parole du FLN annonce le jugement et l'exécution de trois soldats français en représailles de l'exécution à Alger de l'étudiant Bou Taleb, convaincu d'avoir fabriqué des bombes. Le 13 mai une cérémonie patriotique est prévue à Alger à la mémoire des 3 soldats fusillés par le FLN. Alors qu'à Paris a lieu le débat d'investiture du nouveau gouvernement de Pierre Pflimlin à Alger la foule entraînée par des jeunes se déchaîne.
Finalement le Général Massu adresse un télégramme au Président Coty pour lui annoncer la création d'un comité de salut public civil et militaire dont il assure la présidence. Dans la nuit le parlement investit Pflimlin qui le 14 mai publie le communiqué «chargeant le Général Salan, Commandant supérieur des troupes, de maintenir l'ordre à Alger et d'y assurer la protection des biens et des personnes.» En fait la situation reste très confuse: la délégation de pouvoirs donnée par pierre Pflimin au général Salan ne concerne que le département d'Alger; le comité de salut public présidé par le Général Massu, ne représente que lui même et est, en droit, un pouvoir insurrectionnel. Dans ce climat violent, Jacques Soustelle débarque à Alger le 17 mai. Fraîchement accueilli par le général Salan ainsi que par les généraux Jouhaut et Massu, il se demande s'il ne va pas être arrêté ou, au mieux contraint de repartir. Dès le lendemain de son arrivée il rend compte au Président Coty: «Les événements d'Alger ne répondent en rien à l'interprétation qu'on en donne officiellement. Il n'y a pas eu de complot militaire, mais un immense mouvement spontané de sursaut patriotique que l'armée a fort efficacement canalisé...Le Général Salan dépositaire des pouvoirs civils et militaires tient la situation en main. Pour ce qui me concerne, je m'efforce, sans interférer avec l'exercice de son autorité, de continuer, par influence que je puis détenir ici, à raffermir l'unité de la population et de l'armée.»
Le gouvernement Pflimlin décide de porter à 27 mois la durée du service militaire et accorde à la Défense un nouveau crédit de 80 milliards.
Pendant une quinzaine de jours, l'Algérie vit sous un régime improvisé, celui des comités de salut public, constitués partout. Un comité de salut public se créé même en Corse sous la présidence du Colonel Thomazo (alias nez de cuir) qui prend le commandement civil et militaire de l'île.
Dans son discours, il ajoute: « Je prends acte au nom de la France et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que dans toute l'Algérie il n'y a qu'une catégorie d'habitants: il n'y a que des français à part entière, - des français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.» Le général poursuit sa tournée en Algérie et regagne Paris le 6 juin. En fait, de longue date, de Gaulle ,à plusieurs reprises, avait fait connaître son point de vue sur l'Algérie «qu'on le veuille ou non l'Algérie sera indépendante». Il lance néanmoins la tenue d'un référendum instrument de la libre consultation des peuples appelés à choisir, sans contrainte, entre le «oui» et l'appartenance à la communauté française ou le «non» et l'indépendance. Le référendum a lieu le 28 septembre. Le pourcentage des «oui»;est de 96,6% des suffrages exprimés. Entre temps il a donné l'ordre à Salan de faire exclure les militaires des comités de salut public.
Le FLN se trouve à la croisée des chemins. Une victoire militaire n'est plus possible. Les offensives sur le barrage à la fin avril et en mai ont laissé près de 4000 tués, 600 prisonniers, 3000 fusils et 350 FM. En fait le bilan depuis le début des événements est déjà très lourd: 7 200 officiers et soldats et 77 000 rebelles ont été tués. Alors que les attentats ont coûté en Algérie la vie de 1500 français de souche et plus de 10 000 musulmans et en métropole 75 français de souche et 1717 musulmans. Avec ses 30 000 maquisard, la rébellion ne peut inverser la situation il lui faut rechercher la solution politique . Le 9 septembre est créé le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) qui choisit de siéger à Tunis. Il est aussitôt reconnu par les pays arabes, la Chine et les pays du bloc communiste à l'exception de l'URSS.
Au cours d'une conférence de presse le Général de Gaulle offre au FLN «la paix des braves». Les Français d'Algérie sentent le vent tourner et diverses organisations voient le jour: Le FNF le Front National Français créé par Joseph Ortiz propriétaire du bar du Forum – Le «groupe des 7» qui s'était fait remarquer par son activisme se place sous la direction de l'UFNA (Union Française Nord Africaine) Jacques Susini, étudiant en médecine remplace Lagaillarde à la tête de l'association des étudiants. Derrière ces chefs, tout le petit peuple « pied noir » d'Alger se rassemble, uni dans la même inquiétude de l'avenir et la même méfiance à l'égard des politiciens, du gouvernement et maintenant de Gaulle.
Salan est rappelé à Paris pour prendre en principe le poste d'inspecteur général de la Défense Nationale. Paul Delouvrier est le nouveau délégué du gouvernement en Algérie et le commandement militaire est confié au Général d'aviation Challe.
Au sein du gouvernement les ministres sont partagés par des tendances diamétralement opposées. Comment dès lors, s'étonner des dégâts faits dans l'opinion des militaires ou des Français d'Algérie par ce double langage permanent? Le second trimestre 1959 marque une période de flottement dans la politique ou plus exactement dans la présentation de cette politique du fait même du général. Mais peut-être que son choix décisif n'était pas encore fait.
Le 12 janvier 1960 le général Massu déclare au cours d'une interview à un journaliste allemand «Notre grande déception a été que le général de Gaulle soit devenu un homme de gauche.» Il est, bien entendu, rappelé à Paris.
24 janvier 1960, il est 18 h 08 une fusillade éclate à Alger sur le plateau des Glières. Le premier gendarme mobile touché au ventre vient de rouler, mort. Derrière lui les escadrons, l'arme à la hanche descendent. Ils vont au carnage.
Plusieurs colonels sont limogés ,trois généraux relevés de leur commandement. Le général Challe ne sera muté que fin mars. ( Après la deuxième tournée des popotes) Quelque chose d'irréversible vient de se passer. Durant cette période les musulmans et le FLN ont comptés les coups dans cette affaire «franco-française».
La gauche intellectuelle française lance le manifeste des 121 qui revendique le droit à l'insoumission à propos de la guerre d'Algérie.
Le 9 décembre 1960 le général de Gaulle se pose à Oran et les discours qu'il tient met le feu aux poudres: les musulmans sont dans la rue et l'ONU, le 20 décembre reconnaît le droit pour l'Algérie, à l'autodétermination et à l'indépendance.
Et voilà que tombe la surprenante décision : le gouvernement a décidé d'une trêve unilatérale.
En coulisse, les pourparlers se poursuivent avec le FLN. Une rencontre a lieue à Lucerne en Suisse; elle sera suivie d'une autre à Neufchâtel le 8 mars.
Dans l'ombre la conjuration se prépare. La conférence de presse du général de Gaulle du 11 avril renforce la nécessité, pour ses adversaires, d'agir sans tarder plus longtemps. (Il est évident que toutes les tractations qui précèdent le putsch qui se prépare mériteraient d'être développées mais le présent exposé est déjà assez long.).
Challe réalise qu'il ne pourra pas réussir et décide de se rendre à Paris qu'il rejoint le 26 avril. Il dort le soir même à la prison de la Santé. La reprise en main est aussitôt entreprise. 400 arrestations, autant d'avis de recherche pour les fuyards, des centaines de perquisitions, des milliers d'armes récupérées, 200 officiers sanctionnés, 5 officiers généraux opérationnels aux arrêts de rigueur, une centaine de fonctionnaires destitués, des officiers de police suspendus, inculpés, mutés en métropole. Les généraux et officiers rebelles paraissent devant un Haut tribunal Militaire qui inflige des sanctions allant de 5 à 15 ans de réclusion criminelle.
Après les inévitables «purges», c'est le général Ailleret qui devient commandant supérieur des troupes en Algérie et qui va devoir faire face à la double rébellion du FLN et de l'OAS. |
Pour les Français d'Algérie de Gaulle c'est tout naturellement l'homme à abattre, l'homme qui avait cristallisé tous les espoirs d'une Algérie éternellement française, l'homme de «la France de Dunkerque à Tamanrasset» et qui aujourd'hui demande aux pieds- noirs de choisir tout bonnement entre la valise et le cercueil! La trêve appliquée par le Général Ailleret permet aux maquis de se restructurer. Le seul mois de mai compte 113 attentats qui feront 85 morts et 121 blessés.
Le 22 juillet Tunis annonce que le gouvernement ordonne les arrêt des combats. La bataille de Bizerte est terminée : 700 tués et 1200 blessés chez les Tunisiens, 24 tués chez les Français.
Pour l'instant, la guerre civile c'est l'OAS qui est résolue à la mener. Les actes de terrorisme vont se succéder comme jamais auparavant. L'objectif numéro un étant de rendre impossible tout accord entre les autorités françaises et le GPRA. En fait l'OAS est complètement éclatée son histoire est complexe et nécessiterait ici aussi un développement plus important. Pour la contrer on va créer leMPC -Mouvement pour la coopération- Cette formation anti-OAS n'appartiendra à aucune hiérarchie classique et comprendra des organismes autonomes qui agiront en dehors de l'armée et la police . Cette nouvelle force sera secrète, un secret absolu couvrira les membres des formations anti-OAS (on les désignera sous le nom de barbouzes.)
1962
Il semblerait que les méthodes employées pour éradiquer l'OAS tant par le MPC que la force C passeraient par une connivence avec le FLN. Un vrai panier de crabes. Une course de vitesse s'instaure. L'OAS intensifie les attentats pour créer un climat de terreur afin d'empêcher l'aboutissement des pourparlers qui visent la fin de la guerre.
Pour ceux qui s'obstinent à considérer que la fin de la guerre se situe le 19 mars, rappelons que cette tuerie s'est passée le 24 mars Il y a désormais un abîme entre la communauté pied-noir et l'armée française. Mais il n'y a pas qu'à Alger que la violence règne. A Oran c'est exactement les mêmes scènes avec des assassinats et des enlèvements. Jouhaud et son adjoint sont arrêtés le 23 mars et rejoignent Challe et Zeller à la prison de la santé.
Le 4 juillet le drapeau français est amené à Alger.
. On égorge, on tue dans toute la ville. Les auxiliaires de l'armée algérienne les ATO emmènent les européens prisonniers en longs cortèges vers le commissariat central, où vers le Petit Lac ou vers la ville nouvelle où ils sont battus et tués. On évoque quelques 2000 morts et des centaines de disparus.
Le plus triste c'est que le Général Katz commandant des troupes avait demandé l'autorisation d'intervenir et que le Général de Gaulle lui avait ordonné de ne pas bouger.(photo 70)
L'imbroglio algérien conviendrait mieux pour qualifier cette période que l'on a appelé, sans vouloir la nommer pendant longtemps, la guerre d'Algérie. Les événements, les épisodes politiques, la pression internationale, ont généré une alchimie devenue incontrôlable dont les conséquences sont toujours présentes: mal être des pieds-noirs – mal être des harkis et de leurs descendants – mal être longtemps présent dans l'armée – mal être chez les émigrés et plus grave chez les émigrés de la deuxième ou troisième génération qui devenus français haïssent la France. Voilà ce que nous a amené cette séquence tragique de notre histoire: des plaies toujours à vif. C'est la raison pour laquelle j'ai hésité à me remémorer cette période mais je dois reconnaître que les recherches que j'ai faites m'ont aidé à essayer de comprendre ce que j'avais vécu ou vu avec des yeux de 20 ans mais j'étais loin de penser l'ampleur du bourbier dans lequel se trouvait notre pays et explique, en partie, l'état dans lequel il se trouve actuellement.