REYNIES Les faits majeurs de l'année 1916 présentés par le Colonel Gilles LATTES |
Pour la troisième année consécutive nous sommes réunis pour évoquer, dans le cadre du centenaire de la guerre 1914-1918, ce que fut l'année 1916. Afin de nous replacer dans le cadre historique de ces mémorables moments, nous allons faire un rapide survol des événements qui se sont déroulés depuis le début du conflit jusqu'à ce 11 novembre 1916, date choisie pour faire le point de l'actualité de l'époque.
Localement Reyniès, au 11 novembre 1915, comptait déjà 11 morts. Voyons ce que nous réservait-il y a 100 ans cette année 1916 qui fut sans nul doute la plus meurtrière avec les batailles de Verdun et de la Somme.
(Diapo 8) Ici à gauche des tranchées françaises, à droite des tranchées allemandes. On trouve bien entendu différentes formes de tranchées. |
(Diapo 9-10-11). La diapo suivante (diapo 12) montre la difficulté des déplacements dans la boue et l'aménagement de niches .On notera qu'il y avait de chaque côté du front près de 10 000 km de tranchées qui servaient de voies de communication pour arriver en première ligne.
( Diapo 13 Ici, pour la relève à gauche ou pour l'évacuation des blessés) (Diapo 14 c'est aussi l'itinéraire suivi pour amener la nourriture jusqu'aux tranchées par la corvée de soupe Diapo 15 qui s'est ravitaillée auprès des roulantes installées à l'arrière) Cette vie dans les tranchées a souvent été relatée aussi rappelons qu'elle s'est organisée malgré les contraintes, les vicissitudes , les sacrifices. C'est aussi la peur et l'angoisse de l'attente dans un milieu hostile et menaçant.
C'est l'enfer et plus particulièrement à Verdun où en ce début février 1916 commence ce qu'on appelle la bataille de Verdun – trois cents jours de cauchemars- pour ceux qui ont vécus ou plutôt survécus à cet épisode particulièrement sanglant. Les récits des différentes batailles, à Verdun ou ailleurs, déclinent tous les mêmes souffrances: les rats, la boue, la soif, la peur, les obus qui tombent, les cadavres, la mort partout.
A Verdun le déluge incessant de feu et d'obus ne permet même pas l'enlèvement des corps qui côtoient désormais quotidiennement les combattants au contact. A cela on y ajoute l'aspect psychique particulièrement fort. La seule expression de «relève» signifiait déjà que les unités qui s'engageaient n'en revenaient qu'impitoyablement décimées. Alors commençait un drame de quatre, cinq ou six jours au cours desquels les combattants voyaient leurs camarades déchiquetés, haletant sous l'action des gaz toxiques au milieu d'odeurs nauséabondes de pourritures remuées par les obus. Dans cet enfer et contre toute vraisemblance les hommes tenaient attendant stoïquement l'ennemi, la prochaine relève ou la mort. On entre directement dans l'horreur et pour éviter de se replonger dans cet univers apocalyptique nous allons revisiter cette année 1916 à partir de la chronologie des événements.
La guerre de 1870 avait amputé le territoire national de l'Alsace et la Lorraine. Verdun, place forte, se trouvait dès lors à trente kilomètres de la frontière franco-allemande et formait sur la ligne de front un saillant qui apparaît ici sur cette diapo (16) .Comme place forte Verdun situé sur les rives de la Meuse était entourée d'une ceinture de forts installés sur les hauteurs avoisinantes (Diapo 17) qui apparaissent ici en couleur verte sur la diapo de droite. On notera également la présence de batteries d'artillerie et d'abris d'infanterie. Cette vue (diapo 18) concrétise bien la ceinture et la position des forts autour de Verdun mais les Allemands ignoraient que le haut commandement français avait fait retirer de la ceinture fortifiée toute l'artillerie lourde qui faisait cruellement défaut sur des secteurs plus actifs du front.
Le 21 février 1200 canons pilonnent la place forte (Diapo 21). Un million d'obus s'abattent sur les positions françaises. Cette monstrueuse bataille va se dérouler durant 300 jours dans un périmètre relativement restreint limité à un demi-cercle d'environ quinze kilomètres de rayon dont le centre était Verdun (diapo 22). Si ce croquis nous donne une idée du lieu on mesure mieux comment se présente le théâtre des opérations en y ajoutant la dimension du relief.
Ce premier plan nous présente Verdun et les méandres de la Meuse (Diapo 23) et les hauteurs qui la dominent sur la rive gauche et sur la rive droite que nous allons maintenant découvrir. (Diapo 24) |
Voici la topographie des lieux entre Avoucourt et la rive gauche de la Meuse avec le mont Mort Homme et la tristement célèbre côte 304 (Diapo 25) Ces deux mêmes lieux représentés ici sur un croquis allemand (Diapo 26) La rive droite nous dévoile tous ces hauts lieux qui rappellent les batailles dans la bataille. En haut le Bois des Caures dont nous allons reparler. Entre la ligne orange et la ligne rouge les forts de Douaumont et de Vaux. Au sud de cette ligne rouge qui marque la limite de l'avance allemande sur la rive droite on remarquera Fleury, Froideterre et le fort de Souville et juste en dessous le fort de Tavanne construit au-dessus du tunnel de même nom et dont nous évoquerons le rôle. |
La composante terrain est primordiale. Les innombrables ravins qui entaillent le champ de bataille, surtout ici rive droite, compliquent l'alignement du dispositif et facilitent les infiltrations, la prise à revers des bastions de résistance. La bataille de Verdun est un combat de proximité entre petites unités, jusqu'au corps à corps, sur des fronts très limités mais sous un bombardement continuel.
Nous sommes le 21 février et vers 17 heures les allemands attaquent dans la partie haute du saillant (Diapo 27) pensant trouver peu de résistance après le déluge de feu qui s'était abattu sur les positions françaises du bois des Caures défendues par les 56° et 59° bataillons de chasseurs du Colonel Driant. (Diapo 28) Ce dernier ancien officier d'active était devenu député et avait souligné les carences de la défense française. Il sera tué le lendemain lors de la reprise de l'offensive allemande. (Diapo 29) Cette vue prise au Bois des Caures concrétise le manque de préparation de l'armée française quand on voit la profondeur de la tranchée.
La prise du fort de Douaumont a fait longtemps polémique entre Français et Allemands. Ces derniers s'empressent de clamer sa prise alors que côté Français on minimise le retentissement de cette victoire.
En fait le fort n'était gardé que par un gardien de batterie, le maréchal des logis Chenot et cinquante-sept territoriaux. Tous se croyaient à l'abri en arrière du front. Militairement le coup était très dur car le fort dominait l'ensemble du champ de bataille sur la rive droite et, symboliquement, Douaumont c'était déjà Verdun.
Le 9 avril les Français perdent sur la rive gauche le nord du Mort-Homme et évacuent Béthincourt. Rive droite le village de Vaux est pris et la côte du Poivre est âprement disputée. (La côte du Poivre se situe ici à l'Est du village de Vachereauville). Cette diapo nous montre les limites du front. La partie foncée marque le secteur allemand et la partie claire le secteur tenu par les Français.
Nous voici au 1er mai et le Général Nivelle remplace le Général Pétain à la tête de la 2° armée. Que s'est-il donc passé? Pétain, à force de réclamer des renforts a lassé le GQG (Grand Quartier Général) et Joffre qui songent à l'offensive qu'ils doivent lancer sur la Somme en liaison avec les Britanniques. Les jeunes «Turcs» qui est le surnom donné à la petite équipe d'officiers brevetés de l’École de guerre qui constitue le 3° Bureau du GQG traitent Pétain de défaitiste et Joffre lui fait remarquer, comme un grief qu'il est passé de 150 000 à 500 000 hommes. Le limoger paraît difficile, car le général défenseur de Verdun est devenu populaire. Alors on lui donne de l'avancement en le nommant commandant du Groupe d'Armées du Centre et ne sera plus ainsi en prise directe avec Verdun.
Le général Pétain n'est resté que 2 mois dans son commandement. A son arrivée l'offensive allemande était déjà engagée et le rapport des forces était de 3 contre 1 en faveur des Allemands. Six divisions ou 90 000 hommes côté allemand face à deux divisions (51° et 72°) soit 30 000 hommes côté français.
(Diapo 38) On remarquera sur la diapositive, ici à gauche le tracé du Meusien voie de chemin de fer à voie métrique. Voici à la fin de la guerre l'inauguration de la voie sacrée (diapo 39) et le marquage (diapo 40) tel qu'on peut le voir de nos jours.
On doit également au Général Pétain le système des norias : 80 % des divisions d’infanterie de l’armée française vont se relever à Verdun au sein des corps d’armée, qui constituent avec l’état-major et les services de la 2e Armée la seule armature permanente de commandement. Ainsi sur la centaine de division que comportait l'armée française 43 ont été engagées à Verdun une fois, 23 l'ont été deux fois, 4 trois fois et même 1 six fois. Cette participation massive a certainement contribué au mythe de Verdun.
Avant de laisser le général Pétain regagner son nouveau PC rappelons qu'il a adressé le 9 avril son fameux ordre du jour. «Courage on les aura!» (Diapo 41) |
Le 7 juin les Allemands prennent le fort de Vaux et lancent une violente offensive le 23 juin. Les ouvrages de Thiaumont et de Froideterre sont pris et repris par les Français le jour même. Fleury reste aux mains des Allemands.
La dernière offensive allemande est arrêtée le 11 juillet près du fort de Souville.
Le 1er juillet l'offensive franco-britannique sur la Somme vient de débuter et les Allemands retirent 35 divisions du front de Verdun.
Pour soulager Verdun où l’armée française a été saignée à blanc dans sa résistance acharnée aux forces allemandes, Joffre décide de mettre en œuvre la grande offensive de la Somme.
Au nord, jusqu'à Maricourt, la 4ème armée du général Rolinson aligne 26 divisions. Au sud, les 14 divisions de la 6ème armée française du général Fayolle s’apprêtent à monter à l’assaut. C’est le premier engagement de très grande ampleur des troupes britanniques dans la guerre. Venus du Lancashire, du Suffolk, de bien d’autres comtés mais aussi d’Ecosse, du pays de Galles et d’Irlande, les jeunes tommies ont récemment débarqué en France.
Ils sont jeunes, ils sont forts, ils seraient même joyeux tant ils sont inexpérimentés. Ils ne connaissent pas la guerre. Ils vont vite la découvrir. La bataille de la Somme, après bien des tâtonnements, c’est aussi la première offensive coordonnée des alliés.Voici la chronologie de la Bataille. (Diapo 45) Afin de mieux situer les lieux évoqués ils sont inscrits en marge du croquis et reliés par un trait à leur localisation. |
1er juillet : Début de l'offensive. Échec total au Nord, plus de succès au Sud : les Britanniques prennent Mametz et Montauban. Les Français progressent.
14 juillet : 2ème attaque d'envergure. Les Britanniques visent la 2ème ligne allemande sur un front plus restreint. Les Sud-Africains attaquent au Bois Delville. Bataille d'usure.
23 juillet : Attaque britannique de Guillemont à Pozières, pris par les Australiens le 25.
Dans cette période offensive 3 Reyniésiens perdent la vie: Labouysse Benjamin ,20 ans est tué à Estrées. Notons au passage que ce village changea de main quatre fois en deux jours et que la reconquête par les Français se fit maison par maison jusqu'au 24 juillet. C'est dans cette phase que Labouysse Benjamin est tué le 20 juillet.- Molinier Antoine 36 ans décède de ses blessures de guerre à l'hôpital d'évacuation N° 15 à Cericy-Gailly et le Capitaine Raymond Pech décède à l'hôpital d'Amiens le 21 août.
3 septembre : Attaque générale alliée depuis la rivière Ancre jusqu'à Chilly. (Points matérialisés par la ligne en pointillés rouge du 15 septembre) Les Britanniques s'emparent de Guillemont, les Français de Soyécourt.
5 septembre : Les Canadiens relèvent les Australiens devant la ferme du Mouquet.
9 septembre : Ginchy est pris définitivement par la 16e division irlandaise.
15septembre : 3ème grande poussée avec la première apparition des chars dans la bataille entre Courcelette et Flers (diapo 46) |
26 septembre : Début d'une offensive générale franco-britannique, de Martinpuich à la rivière Somme. Thiepval et Combles sont aux mains des Alliés.
7 octobre : Offensive alliée de Courcelette à Bouchavesnes. Les Britanniques se rendent maîtres de Le Sars. La pluie ralentit la progression des troupes. Commence alors une guerre d'usure.
18 novembre : Fin de l'offensive de la Somme.
Ce tunnel servait de poste de secours mais aussi de lieu d'hébergement, de dépôt de matériel et de munitions, d'axe de passage sous le champ de bataille. Il comptait en permanence plus d'un millier de personnes. Ce 4 septembre autour de 21 h 30 un accident, mal élucidé, survint à l'entrée Ouest où un convoi de mules apportait des caisses de grenades et de fusées. La cabane du groupe électrogène prit feu plongeant le tunnel dans l'obscurité. Une série d'explosions s'ensuivit provoquant un peu plus de 500 morts. L'incendie dura deux jours entiers.
Sous l'impulsion de Nivelle les Français reprennent l'offensive. Entre le 21 et le 24 octobre, Fleury, le fort et le village de Douaumont sont repris. Le 2 novembre le fort de Vaux abandonné par les Allemands est réoccupé.
Nous arrivons au terme de l'évocation de cette terrible année 1916, marquée par les plus sanglantes batailles.
Dans la mémoire collective Verdun reste le symbole de la guerre 14-18. Les slogans «On ne passe pas» ou «on les aura» comme tous ces hauts lieux imprégnés de sang: Bois des Caures, Mort-homme, côte 304, forts de Douaumont, Vaux, Souville, la côte de Poivre, Fleury, Tavannes restent à jamais gravés dans les mémoires.
Pour les Britanniques la Bataille de la Somme c'est «leur Verdun». Chaque année ils commémorent le 1er juillet jour du déclenchement de la bataille et également la journée la plus meurtrière pour les Britanniques. Cette année toute la famille royale anglaise assistait à cette cérémonie qui s'est tenue au mémorial de Thiepval. (Diapo 49) A ce sujet les gerbes qui sont déposées par les Britanniques comportent des coquelicots c'est parce que dans les pays du Commonwealth, le coquelicot est un symbole associé à la mémoire de ceux qui sont morts à la guerre. (Diapo 50) |
- A Verdun, 360 000 Français et 335 000 Allemands y sont morts.
- Dans la bataille de la Somme, le bilan est encore plus lourd avec 200 000 Français, 400 000 Britanniques et 450 000 Allemands.
Ces chiffres dépassent l'entendement et sont difficiles à apprécier. Imaginez simplement que l'on mette côte à côte les morts de Verdun sur les bords d'une route. A raison d'un corps par mètre, cela occuperait et plus de 650 kilomètres et plus de1000 pour ceux de la Somme. Cette macabre image concrétise la visualisation de tous ces morts. Et pourquoi tous ces morts? Aucune des batailles n'a été décisive. L'échec de la bataille de la Somme a conduit la mise à l'écart quelques semaines plus tard de Joffre et de de Foch.
Pour sa part, Reyniès a payé son tribut à cette hécatombe et nous n'oublierons pas en particulier les 2 tués à Verdun et les 3 dans la Somme qui sont tombés il y a cent ans. En cette fin d'année 1916 Reyniès pleure déjà 16 de ses enfants morts depuis le début de la guerre. Mais les batailles de cette année qui ont endeuillé le pays n'ont malheureusement pas endigué la guerre qui va se prolonger et dont la suite vous sera relatée, si vous le voulez bien, le 11 novembre prochain.