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Assemblée générale des anciens combattants de Reyniès 18 mars 2018 |
Servir
Ce livre, écrit juste après la démission de l'auteur, chef d'état-major des armées, éclaire de sa décision dont il donne les raisons. Sur le fond, la protection du budget de nos armées, et sur la forme, le discours du président le 13 juillet qui entamait la confiance entre eux. L'objectif de ce livre n'est pas de faire polémique sur ce différent mais de faire connaître les enjeux de défense aux Français.
Après avoir relaté son parcours militaire qui l'a amené à ce haut poste de responsabilités il analyse la situation dans laquelle il doit exercer sa fonction et explique ce que doit être un outil de défense.
Voyons en premier ce qu'est le terrorisme islamique radical
La stratégie de ce terrorisme passe d'abord par un enracinement territorial qui ignore les frontières des Etats. Peu importe l'étiquette ou le nom revendiqué – Daech, en Irak et en Syrie, al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) en Algérie et dans les 5 pays du Sahel al Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) au Yémen, al Nosra en Syrie. Boko Haram au Nigéria et les Shebad de Somalie prétendent eux aussi administrer des territoires. Ces territoires procurent soutiens et ressources et surtout des exécutants. Tous les continents sont à présent touchés par la gangrène du terrorisme islamiste radical. Cette diapo illustre bien cette prolifération des groupes terroristes. A noter que les Etats-Unis n'ont pas de groupes déclarés sur leur territoire mais sont néanmoins la cible des attentats terroristes.
Les caractéristiques de ces groupes terroristes reposent sur trois éléments essentiels:
- Le pouvoir d'attraction dont la prison, la mosquée radicale et les réseaux sociaux sont les vecteurs de recrutement et de radicalisation des islamistes.
- Les modes d'action utilisés se multiplient en matière d'agression.
- Le jusqu'au-boutisme qui se traduit par une surenchère de la terreur d'une violence inouïe: viols, décapitations, tortures les plus abjectes (jeune fille brulée vive pour avoir osé faire du vélo en short), crucifixions publiques, esclavage des femmes.
La deuxième menace est constituée par la menace des Etats-puissances.
En dépit des efforts diplomatiques la crise ukrainienne n'est toujours pas réglée.
Au moyen Orient, la Syrie est un point d'application de la rivalité conflictuelle entre les chiites iraniens et les sunnites saoudiens. Le Yemen est également une illustration de ces tensions. Les Saoudiens cherchent à repousser l'offensive des Houchis chiites soutenus par les Iraniens.
«Les nuages noirs sur le Pacifique » suivant l'expression de Renaud Girard sont peut-être les signes avant-coureurs d'une prochaine tempête en mer de Chine. Les tensions entre bateaux chinois, américains, japonais sont récurrentes autour de la revendication territoriale de certaines îles.
A côté des menaces évoquées, il convient aussi de prendre en compte les désordres du monde.
Il ne faut pas sous-estimer non plus la misère qui pousse des centaines de milliers, d'hommes, de femmes et d'enfants à prendre tous les risques pour rejoindre l'Europe. Ce phénomène est mondial
Il suffit de jeter un œil sur cette diapo pour voir l'ampleur des flux migratoires dans le monde. |
Au surplus, la faiblesse d'un certain nombre d'Etats exerçant avec peine leurs responsabilités régaliennes et ne respectant pas leurs engagements internationaux, est une source supplémentaire de risques.
En ce qui nous concerne (diapo 12) cette diapo illustre bien les différentes voies empruntées par les migrants. |
On constate que la fragilité de l'Afrique subsaharienne reste préoccupante. De même que la situation en Lybie, Etat avec deux Parlements, deux gouvernements, des frontières poreuses permettant le trafic généralisé que ce soit pour les hommes, la drogue et tous types de produits. Les Balkans restent sous l'effet de migrations non contrôlée de trafics multiples et de la montée en puissance des islamistes radicaux.
Comme on peut le constater l'adversaire est difficile à cerner et les menaces décrites-le terrorisme islamique radical et les Etats-puissances- bien que distinctes ces deux lignes de conflictualité sont souvent en interaction. En Syrie par exemple au nord-ouest de Raqqa il n'était pas rare de trouver simultanément, des terroristes de Daech, des milices «modérées» syriennes, des soldats russes, américains, turcs, syriens.
Le durcissement. Nous sommes confrontés à un degré de violence auquel nul ne peut se préparer. Ainsi dans le cadre de l'opération Sangaris, l'armée a assisté à des scènes d'une sauvagerie inouïe et a dû s'interposer entre des hommes s'attaquant à la machette face à d'autres qui décapitaient à l'arme blanche leur voisin; elle a aussi du empêcher des lynchages.
La durée. Sur le territoire national la menace terroriste élevée rend difficilement envisageable le retrait des forces armées. De même il est impossible aujourd'hui de prévoir la fin de l'opération Barkhane et le désengagement de nos troupes dans la bande sahélo-saharienne.
Le délai. La réaction rapide à un évènement ou une information a toujours constitué un facteur de supériorité. La clef est donc d'obtenir le bon renseignement au bon moment afin de pouvoir agir sans délai.
La dispersion. Les opérations extérieures sont menées dans des zones géographiquement éloignées de la métropole. Barkhane au Sahel s'étend sur un front de 4000 kilomètres et une profondeur de mille kilomètres. La dispersion des forces engagées dans les opérations intérieures est également considérable : Sentinelle sur l'ensemble du territoire métropolitain, Harpie en Guyane (lutte contre l'orpaillage), forces de souveraineté et postures de sûreté maritime et aérienne dans le monde entier.
La dissémination. C'est l'état du monde actuel. Le danger est partout. Aucun continent n'est en paix. Les organisations internationales sont en difficulté, OTAN, Union Européenne ou ONU.
La désinhibition. Le terrorisme islamiste radical fonde sa stratégie sur la violence extrême et l'emploi d'armes jusque-là communément prohibées qu'il met en image pour déstabiliser psychologiquement les sociétés occidentales. Face à cela, nos repères se brouillent alors que nous nous référons à un système de droit qui distingue traditionnellement état de paix et état de guerre, combattant et non combattant.
La digitalisation. Le recours grandissant à l'intelligence artificielle et l'imbrication dans le cyberespace des réseaux civils et militaires posent dès à présent des questions éthiques: quand les systèmes sont de plus en plus autonomes, ils risquent d'être de plus en plus vulnérables de l'extérieur et difficiles à contrôler de l'intérieur.
Le Général de Villiers expose ensuite sa vision de la stratégie militaire qui, à son sens, repose sur les principes suivants: la liberté d'action, l'économie des forces et la concentration des efforts auxquels il convient d'y joindre l'effet de surprise. Puis il passe en revue les actions menées par nos armées, car il précise que les français eux-mêmes n'en ont pas toujours conscience. Désormais l'ennemi peut se trouver à l'intérieur de l'Hexagone ou très loin au-delà des mers. Notre espace sécuritaire dépasse notre seul espace géographique. Trente mille militaires sont en posture opérationnelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
- Le premier dispositif d'assurance est la dissuasion nucléaire qui repose sur deux composantes océanique et aéroportée. |
- Sur le territoire national les forces militaires viennent en complément des forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie).
Les postures permanentes Nous allons voir la contribution de nos forces armées ainsi que les actions qu'elles conduisent. |
- L'armée de l'air (diapo 16) compte un peu plus de 42600 hommes. Elle est équipée de 687 aéronefs dont 226 avions de combat. Elle garantit notre espace aérien en exerçant une surveillance renforcée ce dont le public n'est pas toujours conscient. Autour de Paris les hélicoptères (tels les fennecs ici sur la diapo) en état d'alerte assurent la surveillance face à toute intrusion aérienne. Les avions de chasse (rafale ici à droite ou mirage en bas) sont en alerte 7 minutes. L'armée de l'air participe également aux différentes opérations.
- La marine (diapo17) comprend 35500 militaires et 2800 civils. Elle compte plus de 600 bâtiments et 200 aéronefs. Elle concourt directement à la protection de notre littoral, sans oublier la protection de nos espaces sous-marins. L'armée de Terre compte 102800 militaires 17000 civils 7200 blindés (chars leclerc 254 AMX VDL 11000 arme antichars, 307 hélicoptères, 340 canons 226 Sol air.
- Aux dimensions traditionnelles aérienne et maritime, s'ajoute désormais l'espace, domaine en pleine expansion. (Diapo 18) La cyberdéfense est désormais une composante de la défense nationale.
- La protection terrestre de nos emprises militaires devenues une cible prioritaire des terroristes complète cette panoplie de postures permanentes.
L'opération sentinelle (diapo 19) est devenue l'emblème de la participation active et pérenne de nos armées à la protection de la France et des Français. Près de 10 000 soldats sont déployés pour dissuader, protéger et rassurer.
L'opération Barkhane (diapo 20) a une stratégie fondée sur une coopération renforcée avec les armées de la région G5 Sahel (Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad,) et dont la mission principale est de réduire la coalition de différents groupes terroristes le RVIM (Rassemblement pour la victoire de l'islam et des musulmans aux ordres de Iyad Ag Ghali). Pour cette opération, la France s'appuie sur différents partenaires: la mission de l'Union Européenne qui forme les bataillons maliens, la mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) qui est installée avec plus de 10000 soldats et les alliés occidentaux : Américains, Allemands et Espagnols.
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L'opération Barkhane déploie 4000 soldats sur une zone géographique étendue : 4000 Km de front sur 1000 Km de profondeur. En face les groupes armés terroristes sont agressifs, mobiles et bien équipés. La sécurité des pays du G5 Sahel se joue aussi en Lybie et vers la zone des trois frontières (Tchad, Cameroun, Niger)
Pour lutter efficacement contre le terrorisme il faut opérer en boucles rapides «renseignement sur les cibles, capacité de les suivre vingt-quatre heure sur vingt-quatre et capacité de frappes aériennes et d'actions au sol.» Pour ce faire il faut à l'instant «t», des drones des hélicoptères, des avions, des munitions, une capacité de commandement au plus près des forces déployées qui doivent être protégées au mieux.
Au Levant, les forces françaises font équipe avec la coalition pilotée par les Américains en Irak et en Syrie. Les avions de chasse appuient à partir de la Jordanie et des émirats arabes les forces démocratiques syriennes composées de milices kurdes et arabes. Un module français d'artillerie CAESAR aide aussi les Irakiens dans la reconquête du terrain.
Au centre de la photo le CAESAR. La France engage 9 chasseurs rafale, 6 chasseurs mirage 2000, 1 ravitailleur C 135 Stratoliffer ,1 E-3F Sentry ou Awak ici à droite, 1 Breguet Atlantique. |
La question se pose également de savoir où iront les groupes terroristes après l'effondrement du califat? Au Yémen, en Egypte, dans d'autres pays du Moyen-Orient, en Afrique sahélo-saharienne, en Lybie, ou retourneront ils dans leurs pays d'origine pour les combattants étranger ? Autre sujet d'inquiétude en toile de fond la guerre sans pitié que se livrent sunnites et chiites et d'un côté l'axe Arabie Saoudite- Turquie et de l'autre l'Iran.
- Deux pôles de coopération au Sénégal et au Gabon avec 350 hommes sur chaque pôle qui contribuent au soutien des opérations nationales et aux forces de maintien de la paix onusienne
- Trois bases opérationnelles avancées à Djibouti (1400 hommes), en Côte d'Ivoire (950 hommes) et aux Emirats Arabes unis (650 hommes). Elles constituent une réserve stratégique régionale au profit des opérations en cours ou un point d'appui pour faciliter une intervention française dans la zone.
La Guyane fait l'objet d'une attention particulière avec l'opération Harpie de lutte contre l'orpaillage clandestin et la protection de Kourou point stratégique essentiel.
Notre présence en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie permet à la France d'être un acteur légitime reconnu dans le Pacifique. Les tensions en mer de Chine incitent à ne pas déserter cette région où une partie du sort du monde se joue là-bas.
La présence militaire dans les Antilles et à la Réunion s'avère indispensable pour lutter contre les trafics de drogue ou contre l'immigration clandestine. Les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy victimes du cyclone Irma ont pu bénéficier rapidement de l'intervention de ces forces pré positionnées.
Par ailleurs, cette diapo résume parfaitement l'emploi de nos forces. En haut à gauche la protection du territoire national avec ses trois composantes: terre – air- mer. Toujours du côté gauche les opérations extérieures pour l'armée de terre et l'armée de l'air: Barkhane 4000 hommes et Chammal 1200 puis Damam au Liban 750 hommes armée de terre seule. A droite le résumé des opérations extérieures pour la Marine et leur positionnement. Corymbe dans le golfe de guinée 250 hommes. Atalante au large de la Somalie 200 hommes. Eunafor en Méditerranée 100 hommes. Atlantique Nord 200 hommes et pour Chammal en Méditerranée 300 hommes. Enfin, côté gauche 300 hommes terre et air au profit des mesures baptisée de réassurance OTAN en particulier dans les pays Baltes et pour terminer le rappel de la force de dissuasion air- mer.
Ce survol planétaire impressionnant permet de saisir la spécificité française, en comparaison des autres pays européens. Tous ces déploiements participent chacun à leur façon (opérations extérieures, missions intérieures, forces pré positionnées) à la protection des Français et au rôle de la France dans le monde.
Le Général de Villiers aborde ce qu'il appelle une transformation silencieuse.
Le ministère de la Défense a été le plus important contributeur à la révision générale des politiques publiques (RGPP). Lorsque les engagements opérationnels sont en hausse et le budget en baisse c'est cela le grand écart. La transformation s'est articulée en deux volets interdépendants. D'abord poursuite de l'adaptation de nos forces à l'évolution du contexte géopolitique et des menaces et simultanément restructuration et rationalisation de l'armée.
Entre 2008 et 2012 cinquante-quatre organismes majeurs ont été dissous et 18 transférés. 60 bases de défense pour le soutien des armées ont été créées. Ces dernières regroupent les fonctions d'habillement, de restauration, d'hébergement, de solde et d'administration (néanmoins 32 000 postes ont été dissous en 4 ans). En parallèle il ne faut pas perdre de vue qu'une unité qui ferme se sont des milliers d'emplois qui quittent le territoire, des commerces qui perdent leur clientèle, des écoles qui voient des classes se dépeupler, un secteur local du BTP fragilisé. Par ailleurs les bâtiments libérés sont souvent cédés aux collectivités locales et territoriales pour un euro symbolique alors que vendues à leur juste prix les sommes récupérées auraient pu être réinvesties dans les ressources exceptionnelles ou dans l'infrastructure.
Cette restructuration a touché toutes les composantes de l'armée y compris le service de santé ou des services moins connus comme le service des essences qui à chaque crise de carburants pendant un conflit social est mis à contribution et se révèle bien utile pour l'Etat soucieux de conserver des stocks stratégiques. La gestion des munitions ne comprend plus qu'un seul service pour les trois armées.
Le renseignement une priorité.
A l'avenir, il convient de poursuivre les réformes à conduire en recherchant l'optimisation dans la coopération européenne, en externationalisant certaines fonctions de soutien et en réformant notre processus d'acquisition des équipements par la fluidité du dialogue entre les militaires, les ingénieurs de de la direction générale de l'armement (DGA) et les industriels.
Dans le chapitre intitulé Le prix de la paix c'est l'effort de guerre le Général de Villiers fait un constat : |
- Nos armées sont aptes à répondre sur toute la largeur du spectre des menaces: sur terre, en mer, dans les airs, dans l'espace et désormais dans le cyberespace. Quand nous réussissons une opération militaire à l'autre bout du monde, c'est l'ensemble de la chaine opérationnelle qui l'entreprend et qu'il faut entretenir.
- Mais faute de moyens suffisants c'est notre liberté d'action qui est en jeu. Il convient d'abord de revenir au plus vite sur les pannes d'hélicoptères, les déficits en équipement, en effectifs formés et entrainés, en munitions disponibles, en pièces de rechange. L'insuffisance des moyens de renseignement aériens -drone et avions de chasse- nous rend dépendants des américains. L'armée de l'air est obligée de louer des Antonov avec des équipages moldaves, ukrainiens ou autres. Il a fallu attendre plus d'un an entre la commande et la livraison pour reconstituer nos stocks de munitions. Au Sahel plus de quatre-vingt blindés ont été définitivement hors d'usage et renvoyés en France pour finir à la casse. Il convient aussi de durer et ce avec du matériel à bout de souffle. Certes de nouveaux matériels arrivent mais le problème tient à leur rythme d'arrivée et à leur nombre.
- L'armée de terre est déployée sur cinq théâtres d'opérations au lieu de deux prévus dans le livre blanc de 2013. La marine avait comme objectif un à deux théâtres, elle est aujourd'hui déployée sur quatre à cinq zones. L'armée de l'air a un volume d'avions de chasse en opérations extérieures supérieur à une vingtaine d'avions, alors que le contrat de 2013 en stipulait une douzaine au maximum. De nombreux stages ou exercices d'entrainement n'ont pu s'effectuer essentiellement en raison du suremploi des différentes forces.
- Pour préserver l'indispensable crédibilité de notre discussion nucléaire il est nécessaire de renouveler ses deux composantes, océanique et aéroportée sans descendre plus bas notre volume de têtes nucléaires situé à hauteur de 300 (Les Etats-Unis en ont environ 7000 et la Russie 8000)
Le Général de Villiers développe un long chapitre sur les conditions de vie de nos militaires, de leur famille, du manque de moyens matériels et souhaite une amélioration rapide de ces conditions.
Le nerf de la guerre. |
Pour le chef d'état-major, le dilemme budgétaire est redoutable. D'un côté il doit discuter avec des techniciens financiers, parfois technocrates qui ne connaissent de langage que celui des chiffres et de raisonnement que des opérations arithmétiques et de l'autre il doit faire face à des situations difficiles, inquiétantes et de la plus extrême urgence quand elles viennent des théâtres d'opérations. Il rappelle que c'est un des rôles du CEMA, tel que le définit le code de la défense: des trois programmes qui fondent le budget de la défense, il est responsable de celui relatif à la préparation et à l'emploi des forces et copilote avec le directeur général à l'armement, celui prévoyant l'équipement des forces. Il est en désaccord avec la présentation des dépenses engagées et souligne le fait que si sa démission a pu contribuer à favoriser les arbitrages budgétaires en faveur d'une meilleure prise en compte des préoccupations évoquées il ne peut que s'en réjouir.
Au sujet de la loi de programmation militaire, il déclare que ce que font nos armées aujourd'hui nécessite, des frégates, des avions de chasse, des blindés, des drones, des moyens de renseignement et de cyberdéfense supplémentaires.
Le Général de Villiers dénonce le danger du renoncement. |
Il conclut ce chapitre par trois remarques. La première est que nous sommes entrés dans des temps difficiles et incertains. La deuxième remarque est que toute approche strictement financière et comptable est à bannir car il faut toujours penser, lorsque l'on prend des décisions, aux risques que l'on fait courir à nos soldats sur le terrain, voire aux Français dans leur existence quotidienne. La troisième remarque repose sur un constat historique des défaites militaires: une situation économique difficile conduisant à une myopie politique minimisant le danger et réduisant d'autant les mesures à prendre pour y faire face. Et enfin l'incapacité des chefs militaires à faire prendre les bonnes décisions à la hauteur des dangers pour la protection du pays. Il estime que chacun doit prendre ses responsabilités et c'est ce qui l'a inspiré dans ses interventions publiques. Allusion à son attitude. On ne peut jouir de la paix sans préparer la guerre.
Le Général estime que le partage du fardeau est néanmoins nécessaire. |
Forte de son déploiement international sur de nombreux théâtres d'opérations, de son ancrage dans l'Union européenne, de sa vocation mondiale, la France bénéficie d'un rayonnement sur la scène internationale qui l'oblige et la conduit à prendre l'initiative dans de nombreux domaines. Néanmoins il convient de parvenir à l'équilibre entre les différents acteurs et de définir avec eux la menace et la façon d'y faire face. Les organisations internationales comme l'ONU, l'OTAN, l'UE jouent un rôle essentiel dans les équilibres militaires mais elles peinent à s'adapter aux nouvelles donnes de la guerre et la nécessité de prendre des décisions rapides dans des situations compliquées. Un pays comme la France ne pourra pas durablement payer trois fois: pour son propre budget de défense, pour les organisations internationales et pour les coalitions. Ce sujet est éminemment politique. Il faudra au minimum envisager rapidement une participation accrue des pays européens à nos opérations de sécurisation dans la bande sahélo-saharienne, aux côtés du G5 Sahel car toute l'Europe en bénéficie. Autre constat si l'armée française est envoyée en première ligne, les forces économiques suivent plus difficilement. Les entreprises étrangères sont souvent plus soutenues par leur gouvernement que les entreprises françaises. Les premières s'emparent des marchés, bénéficient des débouchés économiques et, lorsque les secondes se présentent sur place, souvent en retard, les place sont prises, la reconstruction et le développement sont laissés à nos concurrents. Il semble que les Français font la guerre et que d'autres pays touchent les dividendes de la paix. Le partage international du fardeau est indispensable militairement, technologiquement, financièrement et stratégiquement.
La France est grande. |
En matière de défense, notre niveau d'engagement fait de nous la locomotive de l'Europe. A l'OTAN ou à l'Union européenne, notre armée jouit d'un niveau de confiance exceptionnel auprès des vingt-sept autres pays membres.
La souveraineté repose sur l'indépendance nationale et l'autonomie stratégique. La dissuasion est l'ultime garantie de la souveraineté nationale. Pour essentielle qu'elle soit, elle ne saurait nous protéger de toutes les menaces et notamment nous prémunir contre les attaques terroristes. C'est pourquoi notre souveraineté militaire se fonde également sur l'autonomie stratégique. Grâce à elle, la France peut décider seule et rapidement de la réponse à une menace spécifique. Dans l'art de la guerre il est essentiel de prendre les bonnes décisions au bon moment et d'en assurer la parfaite exécution.
Servir. |
Tel est le titre du livre et de l'avant dernier chapitre du l'ouvrage dans lequel le Général de Villiers narre son départ et son dernier jour à la tête de l'armée et l'émotion qui a été la sienne par la spontanéité des différents hommages qui lui ont été rendus. Il souligne l'excellent état d'esprit qui règne dans l'armée dans laquelle l'essentiel se concentre sur la discipline, la rigueur, la fraternité, le courage, l'humanité, l'engagement et le sens du service. La carrière militaire n'est pas un métier comme un autre, une profession que l'on exerce «aux heures de bureau». Elle saisit toute l'existence.
Il termine le chapitre en évoquant le différend qui l'a opposé au chef de l'Etat et écrit à ce sujet. Ce sont deux façons de voir différentes, deux manières d'être parfois antagonistes qui se confrontent et se concilient dans l'intérêt supérieur du pays. Le politique se trouve soumis à des pressions, des urgences venant de toute part, un calendrier marqué par des échéances à court et moyen termes. Le militaire est concentré sur la force armée, il sait que les opérations durent souvent au-delà d'un quinquennat et que leurs conséquences s'inscrivent à long terme. Le politique maîtrise l'art de la communication, de la subtilité rhétorique, des allusions fines. Le militaire, lui, reste souvent dans la sincérité du premier degré.
Après un hommage à la jeunesse pour laquelle il écrit «Aimons notre jeunesse elle nous le rendra.» il conclut:
«Au moment de partir, je vous redis à quel point la vie militaire mérite d'être vécue. Je reste indéfectiblement attaché à mon pays et à ses armées. Ce qui m'importera, jusqu'à mon dernier souffle, c'est le succès des armes de la France.»
Ma conclusion
A la lecture de ce livre j'ai découvert un chef militaire qui nous a parfaitement éclairés sur l'état de notre armée qu'il aime et connait parfaitement. A la lumière des explications on perçoit la cohérence du déploiement mais aussi des difficultés que cela comporte d'où l'absolue nécessité de doter nos forces d'un minimum de matériels fiables. En l'état actuel la vétusté de ces matériels compromet l'efficacité de certaines interventions et met même en cause la sécurité du personnel. Dans ces conditions l'annonce d'une coupe de 850 millions d'euros en 2017 pour le budget des armées choque, alors que les troupes françaises sont engagées depuis des années au Mali et en Irak mais aussi sur le territoire national, dans le cadre de l'opération «Sentinelle».
À l'origine, la décision du premier ministre, Édouard Philippe, de réaliser une économie de 850 millions d'euros sur le budget de la Défense (32,7milliards d'euros) en 2017. Plus précisément sur les crédits d'équipements des armées, c'est-à-dire l'argent débloqué par la Direction générale de l'armement (DGA), qui passe commande aux industriels. Premier investisseur de l'État et bras armé du ministère de la Défense, la DGA gère un budget annuel qui tourne autour de 10 milliards d'euros. On conçoit parfaitement que cette décision soit dénoncée, à huis clos, par le chef d'Etat-major devant la Commission de la Défense. Cette prise de position parfaitement justifiée vaut au Général de Villiers la réplique cinglante du chef de l'Etat qui lui dit devant un auditoire important de chefs militaires: (Ici à gauche le 13 juillet)
Je terminerai cet exposé par un chaleureux merci au Général de Villiers qui a su avec panache et courage défendre l'honneur de notre armée.
Colonel (er) Gilles LATTES